En route pour une fusion de l’AGIRC-ARRCO avec la CNAV ?
Où quand certains se réjouissent de l'étatisation de l'ARRCO/AGIRC...
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La nouvelle est presque passée inaperçue la semaine dernière: le Premier Ministre Manuel Valls a demandé à Mireille Elbaum, présidente de Haut-Conseil au financement de la protection sociale (et partisane connue d’une réforme « systémique » des retraites), de mettre à l’étude une collecte des cotisations AGIRC et ARRCO par les URSSAF. Si ce projet devait un jour prendre forme, on mesure bien la révolution qu’il introduirait dans l’organisation de la protection sociale complémentaire.
Le début d’une étatisation de l’AGIRC-ARRCO
En donnant aux URSSAF la main sur les cotisations AGIRC et ARRCO, le gouvernement mettrait un premier doigt dans l’engrenage qui conduit à une étatisation pure et simple du système de retraite complémentaire. Il maîtriserait immédiatement son financement. Compte tenu des difficultés actuelles du régime, l’Etat sera par ailleurs peu ou prou chargé d’intervenir dans la gestion du régime.
On voit bien le lent glissement qui va tôt ou tard s’opérer sans la tectonique des plaques: dans le meilleur des cas, l’AGIRC et l’ARRCO seront un simple satellite de la CNAV. Dans le cas le plus vraisemblable, l’Etat monnaiera la garantie financière qu’il apportera à l’AGIRC et à l’ARRCO en préparant la fusion du dispositif avec la CNAV. Rappelons ici que, depuis près de 3 ans, les services informatiques de la CNAV étudient la faisabilité d’une fusion pure et simple.
Une étatisation, une tentation financière pour le gouvernement
Une fusion de l’AGIRC et de l’ARRCO n’est pas seulement une affaire de pouvoir qu’on laisserait ou non aux partenaires sociaux. Il est d’ailleurs assez étonnant de voir que l’argument de ces partenaires sociaux pour justifier (c’est le cas de FO) une résistance à la fusion n’invoque que les prérogatives des partenaires sociaux, sans se soucier des motifs d’intérêt général.
Or…il existe plusieurs bonnes raisons de fusionner les retraites complémentaires et le régime général. D’abord, les deux systèmes sont en répartition, ce qui facilite une fusion. Ensuite, l’empilement de dispositifs, s’il fait plaisir aux partenaires sociaux, est difficilement compréhensible pour les salariés. Le choc de simplification consiste aussi à clarifier les régimes de retraite. Enfin, les fédérations AGIRC-ARRCO, parce qu’elles pilotent un système par points, peuvent s’appuyer sur une mécanique qui permet une vraie régulation des dépenses. Rappelons d’ailleurs que les systèmes de retraite dits notionnels préconisent d’instaurer un système de points pour faciliter le pilotage des dépenses.
Une fusion systémique permettrait donc à la France de transformer (progressivement) son système de retraite en le convertissant à la logique par points.
Une convergence humaine favorable
Les partenaires sociaux ont tout intérêt à se méfier désormais des idées de Mireille Elbaum. Jean-Jacques Marette vient en effet de quitter la direction générale de l’AGIRC et de l’ARRCO, et il devrait être remplacé par François-Xavier Selleret, directeur d’hôpital qui avait sévi en son temps au cabinet de Xavier Bertrand. L’homme n’est pas introduit dans le sérail assurantiel et il ne devrait pas avoir les mêmes affinités que son prédécesseur avec le monde paritaire. De là à dire qu’il sera l’homme de la fusion…
A la CNAV, son interlocuteur sera Pierre Mayeur, qui était conseiller de François Fillon lorsque Selleret était conseiller au ministère de la Santé.
Cette circonstance humaine devrait là aussi jouer en faveur d’une redistribution des cartes.
Quel impact pour les groupes de protection sociale?
Pour la petite planète de la protection sociale complémentaire, tout ceci n’est évidemment pas une excellente nouvelle. Dans l’hypothèse où l’AGIRC et l’ARRCO rejoindraient la CNAV, on voit en effet assez mal comment les activités concurrentielles des groupes pourraient les suivre (à moins, bien entendu, d’être intégrées dans une sorte d’AGIRC-ARRCO de la prévoyance…).
La collecte des cotisations retraite complémentaire par les URSSAF constitue donc un premier signal plausible d’un éclatement prochain des groupes de protection sociale qui, dans les 5 ans, devront probablement s’affranchir de leur activité en retraite complémentaire. On mesure le poids de cet affranchissement: les groupes ne pourront plus vivre que sur leur activité propre de prévoyance et de santé.
Pour les assureurs, cette information n’est pas forcément une mauvaise nouvelle…
